Il doit être rappelé en préalable que d’après les données de l’observatoire des risques naturels, 10,4 millions de maisons individuelles sont exposées, fortement ou moyennement au retrait gonflement des argiles.
La région Occitanie est particulièrement exposée à ce risque, ainsi que les régions PACA et Nouvelle Aquitaine, mais, avec les sécheresses d’ampleur exceptionnelles comme celle de l’année 2022, ce sont tous les territoires qui sont concernés.
Dans la perspective d’améliorer la prise en charge des sinistres, l’État a engagé une réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
En premier lieu, la loi du 28 décembre 2021 a réformé certains aspects du régime CAT NAT créé en 1982 : les dispositions de cette loi visaient à rendre plus transparent le processus conduisant à l’arrêté de catastrophe naturelle, à officialiser la création de la Commission interministérielle de reconnaissance de l’État de catastrophe naturelle, à créer une commission consultative des catastrophes naturelles, comptant dans ses membres des élus et des associations de sinistrés.
Cette loi avait apporté les modifications suivantes :
- les communes disposent désormais d’un délai de 24 mois pour transmettre au préfet leur demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle
- du côté des sinistrés, le délai de prescription des actions à l’égard des assureurs a été porté à cinq ans (au lieu de deux ans auparavant), mais uniquement pour les dommages résultant d’un mouvement de terrain consécutif à la sécheresse et réhydratation des sols reconnu comme une CAT NAT.
- le délai pour déclarer le sinistre à l’assureur a été porté de 10 à 30 jours, à compter de la publication de l’arrêté portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
La loi du 28 décembre 2021 a en outre imposé à l’assureur de respecter des délais dans l’instruction des sinistres, délais jugés beaucoup trop longs jusqu’alors, faute de règlementation.
Elle a décidé que les frais de logement ainsi que les frais d’architecte et de maîtrise d’œuvre -lorsqu’ils sont nécessaires- sont également indemnisables et s’ajoutent au remboursement du coût des études géotechniques déjà indemnisables dans le dispositif antérieur.
L’ensemble de ses dispositions ont été considérés comme insuffisante devant l’ampleur des sinistres liés au RGA (retrait gonflement des argiles).
Autorisé à légiférer par ordonnance par la loi dite 3DS du 21 février 2022, le gouvernement a adopté
A adopté le 8 février 2023, l’ordonnance n°2023-78, venant modifier le code des assurances.
Le traitement du risque liés au retrait gonflement des argiles est toujours traité dans le cadre de la garantie CAT NAT, malgré une demande de certains observateurs d’élaborer une règlementation spécifique.
L’ordonnance du 8 février 2023 :
Le régime d’indemnisation des dommages liés aux mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols a été modifié :
En effet, les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols sont désormais considérés comme des catastrophes naturelles lorsqu’ils sont dus à « la succession anormale d’événements de sécheresse d’ampleur significative ».
Toutefois, pour cet aléa, « la garantie est limitée aux dommages susceptibles d’affecter la solidité du bâti ou d’entraver l’usage normal du bâtiment ».
Un décret en Conseil d’Etat devait préciser les conditions de mise en œuvre, notamment la nature des dommages couverts et les modalités d’indemnisation.
L’ordonnance du 8 février 2023 posait également le principe de l’utilisation par l’assuré de l’indemnité à la réparation des dommages consécutifs : un décret en conseil d’Etat devait préciser les modalités de mise en œuvre de cette obligation, les cas de dérogation et les conséquences de sa méconnaissance par l’assuré.
L’ordonnance du 8 février 2023 allait plus loin en prévoyant qu’un décret en conseil d’Etat viendrait préciser les obligations incombant aux experts désignés par les assureurs.
Pas moins de sept décrets d’application étaient attendus pour l’application de l’ordonnance : le premier décret est paru le 6 février 2024 :
Le Décret n°2024-82 du 5 février 2024, paru au Journal Officiel le 6 février 2024 :
Ce décret contient des dispositions relatives :
- aux dommages garantis
- à l’affectation de l’indemnité à réparer le bien
- à l’hypothèse de la vente du bien avant réparation
Dommages garantis :
Le décret reprend la formulation de l’ordonnance du 8 février 2023 selon laquelle « pour les dommages ayant eu pour cause déterminante les mouvements différentiels mentionnés au 3ème alinéa de l’article 125-1, la garantie est limitée aux dommages susceptibles d’affecter la solidité du bâti ou d’entraver l’usage normal du bâtiment » et y ajoute que « les dommages ne présentant pas ces caractéristiques au moment du constat des désordres sont également couverts par la garantie dès lors qu’ils sont de nature à évoluer défavorablement et à affecter la solidité »
Biens exclus de la garantie :
L’ordonnance du 8 février 2023 avait exclu du bénéfice des garanties :
- Les bâtiments construits sans permis de construire lorsque ce dernier est requis en application de l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme
- Pendant une durée de dix ans suivant la réception des travaux au sens de l’article 1792-6 du code civil, les bâtiments soumis aux dispositions des articles L. 132-4 à L. 132-8 du code de la construction et de l’habitation (études géotechniques), et dont le dépôt du permis de construire a été effectué postérieurement au 1er janvier 2024, s’il ne peut être justifié par le maître d’ouvrage ou le propriétaire du bien au moment du sinistre du dépôt de l’attestation mentionnée au 3° de l’article L. 122-11 du code de la construction et de l’habitation (c’est-à-dire un document attestant du respect des règles de prévention des risques liés aux terrains argileux)
Le Décret du 8 février 2024 exclut également de la garantie les dommages survenus sur les constructions constitutives d’éléments annexes aux parties à usage d’habitation ou professionnel, tels que notamment les remises, les garages et parkings, les terrasses, les murs de clôture extérieurs, les serres, les terrains de jeux ou les piscines et leurs éléments architecturaux connexes, sauf lorsque ces éléments font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert.
Affectation de l’indemnité :
Le Décret du 5 février 2024 ajoute un nouvel article R 125-6-1 dans le code des assurances selon lequel « l’indemnité perçue au titre de la garantie prévue par l’article L 125-1 pour les phénomènes résultant de mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sècheresse et à la réhydratation des sols doit être utilisé pour la remise en état effective du bien conformément aux recommandations issues du rapport d’expertise ».
Il existe une dérogation à cette obligation.
En effet l’obligation d’affectation ne s’applique pas lorsque le montant des travaux de réparation est supérieur à la valeur de la chose assurée au moment du sinistre.
Conséquence de la méconnaissance par l’assuré de son obligation d’affectation de l’indemnité :
En premier lieu, l’assuré doit être informé de cette obligation par son assureur lors de la transmission de la proposition d’indemnisation.
En second lieu, l’assuré doit transmettre à l’assureur les factures justifiant la réalisation des réparations.
Si dans un délai de 24 mois après son accord sur la proposition d’indemnisation l’assuré n’a pas engagé les travaux, l’assureur peut mettre en demeure l’intéressé de se conformer à ses obligations et de transmission des factures.
Le délai prévu par la mise en demeure est déterminé par l’assureur, notamment en fonction de la nature et de la complexité des travaux.
Le texte précise que l’assureur peut conditionner le versement du solde de l’indemnité à la production des factures.
Lorsqu’il a reçu les factures, l’assureur dispose d’un délai de 21 jours pour verser le solde de l’indemnisation.
A défaut de transmission des factures, l’assureur peut demander la restitution de l’acompte de l’indemnité déjà versée.
Il est permis de s’interroger sur l’application de ces sanctions si l’assureur n’a pas rempli l’obligation mise à sa charge d’informer l’assuré de l’obligation d’affectation des indemnités à la réparation.
En cas de vente du bien assuré :
Le Décret met à la charge du vendeur une obligation d’informer l’acquéreur des travaux permettant un arrêt des désordres existants non réalisés bien qu’ayant été indemnisés ou ouvrant droit à une indemnisation, lorsqu’il dispose du rapport d’expertise de l’expert mandaté par son assureur.
Cette information doit être jointe à l’état des risques prévu au IV de l’article L 125-5 du code de l’environnement et annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l’acte authentique de vente.
Les nouvelles dispositions attendues :
D’autres décrets sont attendus pour l’application de l’ordonnance du 8 février 2023, notamment celui relatif aux modalités d’applications des dispositions concernant les obligations incombant aux experts désignés par les assureurs dans la conduite de l’expertise. Il est prévu des dispositions concernant le contenu du rapport d’expertise, un contrôle sur pièce ou sur visite par des fonctionnaires et agents publics habilités ou commissionnés par l’autorité administrative.