Refus de renouvellement avec indemnité d’éviction
L’indemnité d’éviction est due par le bailleur qui refuse le renouvellement. Il s’agit d’une dette personnelle dont il est redevable, y compris en cas de vente du bien loué.
Calcul de l’indemnité d’éviction
Très généralement estimée sur la base d’un rapport d’expertise, l’indemnité d’éviction est souverainement appréciée par les juges. Il convient généralement de distinguer ses diverses composantes :
L’indemnité principale
Lorsque le refus de renouvellement entraîne la disparition du fonds de commerce, l’indemnité est dite de remplacement. A l’inverse, s’il est démontré que le lieu d’exploitation importe peu et que le fonds peut être déplacé en un autre lieu sans perte significative de clientèle, l’indemnité est dite de transfert.
Lorsque le fonds est transférable, la valeur vénale du fonds de commerce constitue en principe le plafond de l’indemnité principale. Lorsqu’il n’est pas transférable, et si la valeur du droit au bail est supérieure à la valeur du fonds, le locataire pourra prétendre à être indemnisé sur la base de la plus importante de ces valeurs.
Pour estimer cette indemnité principale, il conviendra d’appréhender les activités autorisées par le bail, et de s’attacher à déterminer la consistance du fonds à la date d’effet du refus de renouvellement. Le préjudice doit par contre être estimé à la date à laquelle le Juge statue.
L’évaluation du fonds de commerce est généralement assise sur les éléments chiffrés des trois derniers exercices connus, au moyen de moyennes ou avec des pondérations. Diverses méthodes sont usitées, dont notamment l’estimation par le chiffre d’affaires, l’estimation par le taux sur recettes, l’estimation, par le résultat…
L’évaluation du droit au bail repose généralement sur la méthode du différentiel de loyer auquel est appliqué un coefficient de situation.
Les indemnités accessoires
Il n’existe aucune liste légale des indemnités accessoires, qui sont appréciées au cas par cas.
En matière de perte de fonds et de transfert de fonds, sont par exemple visés :
- les frais de remploi visant à couvrir les frais d’acquisition d’un nouveau fonds équivalent à celui objet de l’éviction ou d’un nouveau droit au bail (frais de mutation, frais d’agence, frais de rédaction d’acte),
- l’indemnité pour trouble commercial (non due en cas d’absence de réinstallation),
- les frais administratifs, liés au changement de siège, à la réédition des documents commerciaux,…
les frais de déménagement et de réinstallation,
les indemnités de licenciement.
En cas de transfert du fonds exploité, peuvent notamment être pris en compte :
- une indemnité dite de double loyer,
- une indemnité au titre d’une perte partielle de clientèle.
Maintien dans les lieux et paiement de l’indemnité
Le statut garantit le paiement de l’indemnité en accordant au locataire évincé un droit au maintien dans les lieux jusqu’à ce qu’il l’ait reçue.
Le droit au maintien dans les lieux bénéficie au locataire ayant droit à une indemnité d’éviction, sans qu’il s’agisse d’une obligation pour lui. Pendant l’exercice du droit au maintien dans les lieux, les parties sont tenues d’exécuter les charges et conditions du bail.
En contrepartie de ce maintien dans les lieux, le locataire évincé est débiteur d’une indemnité d’occupation. Cette indemnité d’occupation doit correspondre à la valeur locative établie conformément aux dispositions du Code de commerce, à laquelle est généralement appliqué un abattement de précarité. Elle est due à compter de la date de fin du bail jusqu’à libération effective des locaux.
Le règlement de l’indemnité d’éviction doit intervenir intégralement pour que le bailleur puisse exiger la libération des lieux. Le paiement de l’indemnité d’éviction doit intervenir entre les mains du locataire, ou entre les mains d’un séquestre désigné par les parties et à défaut d’accord par le Juge.
Le locataire peut quitter les lieux dès la date d’effet du congé, et au plus tard à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la date de paiement de l’indemnité d’éviction ou de la notification de son versement entre les mains du séquestre.
Annulation du refus de renouvellement : le repentir du bailleur
Le bailleur qui a refusé le renouvellement du bail en offrant une indemnité d’éviction a le droit de revenir sur sa décision en offrant le renouvellement du bail, en exerçant un droit de repentir.
Le droit de repentir peut être exercé jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision fixant l’indemnité d’éviction sera passée en force de chose jugée. Le statut des baux commerciaux ne prévoit aucune forme pour l’exercice du droit de repentir. Mais il précise que le nouveau bail prend effet à partir du jour où le repentir a été notifié par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec avis de réception.
Le droit de repentir ne peut être exercé par le bailleur qu’autant que le locataire est encore dans les lieux et n’a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation.
L’exercice du droit de repentir est irrévocable. Il a pour effet de former un nouveau bail. La période comprise entre la date du congé et celle du repentir ne peut pas être prise en compte pour calculer la durée du bail expiré dont dépend le déplafonnement éventuel du loyer du bail renouvelé.
Refus de renouvellement pour motif grave et légitime : aucune indemnité d’éviction
Le motif grave et légitime n’est pas défini par la loi. Il peut reposer sur toute infraction au bail. Une faute extra-contractuelle peut également constituer un motif grave et légitime. Toute faute du locataire peut constituer un motif grave et légitime, même en l’absence de préjudice causé au bailleur.
Le refus de renouvellement doit être motivé pour permettre au locataire d’apprécier les motifs invoqués et de les discuter. Il en ressort que le bailleur ne peut pas modifier les motifs dont il a fait état dans l’acte portant refus de renouvellement. Mais le bailleur peut toutefois invoquer des motifs dont il n’a eu connaissance que postérieurement à l’acte de refus de renouvellement.
Les Juges disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation quant à la gravité et à la légitimité des motifs invoqués à l’appui du refus de renouvellement du bail sans indemnité.
La faute commise par le locataire ne peut être invoquée comme motif de refus de renouvellement sans indemnité d’éviction que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué, et reproduire certaines dispositions légales.
Dans le cas où le refus de renouvellement est validé, le locataire perd tout droit au renouvellement du bail et au paiement d’une indemnité d’éviction. Lorsque le refus de renouvellement est invalidé, le locataire peut soit se prévaloir de la nullité du congé (et le bail ancien se poursuit par tacite reconduction) soit renoncer à la nullité du congé et prétendre au paiement d’une indemnité d’éviction – auquel cas le bailleur peut exercer son droit de repentir -.
Autres hypothèses
Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans indemnité d’éviction s’il est établi que l’immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d’insalubrité reconnue par l’autorité administrative ou s’il est établi qu’il ne peut plus être occupé dans danger en raison de son état.
Le bailleur ne peut se prévaloir de cette hypothèse que si l’état de l’immeuble n’est pas la conséquence de travaux engagés par lui, ou ne résulte pas de sa défaillance dans l’entretien de l’immeuble.
En cas de reconstruction de l’immeuble et s’il abrite des locaux commerciaux, le locataire dispose d’un droit de priorité pour louer, dans les limites et conditions posées par le texte.
Le bailleur bénéficie également d’un droit de reprise des lieux loués, qui lui permet de mettre fin au bail pour des motifs tirés de sa propre situation : volonté d’habiter les lieux loués ou d’y loger ses proches, ou encore d’y effectuer certaines catégories de travaux tels que surélévation d’immeuble, construction d’un local d’habitation sur un terrain loué nu.
Selon les cas, la faculté de reprise pourra être mise en œuvre en cours de bail ou à son terme.
Le bailleur ne sera pas nécessairement dispensé de payer une indemnité d’éviction à son locataire.