De par sa longue durée et sa rigidité, le statut du bail commercial apparaissait pour beaucoup de professionnels comme une contrainte qui n’était pas adaptée aux réalités du monde de l’entreprise. C’est en réaction à ces soucis que le législateur est venu instaurer un nouveau statut, moins protecteur mais plus flexible, celui du bail dérogatoire.
Ce contrat de bail est dit dérogatoire en ce qu’il déroge aux règles de droit commun prévues pour les baux commerciaux. Il obéit ainsi à des règles particulières et permet de conclure une convention de courte durée sur un immeuble et plus précisément des locaux destinés à l’exploitation d’un fonds de commerce.
Ce type de contrat de bail offre certains avantages aux entrepreneurs en ce qu’il se distingue du bail commercial. Pour un professionnel, il lui offre le moyen de tester son activité tout en contournant la rigidité du statut du bail commercial. Il permet donc d’apprécier une situation à l’instant présent et de se prémunir contre certains risques futurs. Dans de telles conditions, s’entourer des conseils avisés d’un avocat est fortement recommandé, que ce soit dans la rédaction des dispositions contractuelles qui lieront les parties ou encore pour se prémunir contre des risques de conflits futurs.
Quel intérêt présente le bail dérogatoire par rapport au bail commercial ?
Également connu sous le nom de bail précaire ou bail de courte durée, le bail dérogatoire est un contrat de location conclu pour une durée de trois ans au maximum. C’est par la loi du 12 mai 1965 qu’une première définition de ce bail a été donnée et qu’il a été instauré en France. Deux types de baux ont été dès lors exclus du champ d’application du bail commercial, à savoir le bail dérogatoire et les baux à caractère saisonnier.
Si l’on s’en réfère aux règles du Code de commerce, le bail commercial ne peut être conclu pour une durée inférieure à neuf ans. En pratique, la rigidité de cette règle se faisait vite ressentir pour les professionnels. En effet, les chefs d’entreprise qui utilisaient ces locaux, n’étaient pas toujours disposés à signer un bail sur une si longue durée.
De par ses contraintes, le législateur est venu assouplir les conditions de location en instaurant un bail dit dérogatoire au bail commercial. Désormais, il devient possible pour les entrepreneurs de conclure des baux pour une durée inférieure à neuf ans.
Cet assouplissement offrait désormais aux loueurs, comme aux entrepreneurs locataires, la possibilité d’éviter un engagement sur le long terme. Une solution qui permettait donc d’éviter les contraintes impliquées par les baux commerciaux. Ainsi, les locataires pouvaient valablement se faire leur idée de la pertinence d’un emplacement et ceci, selon les activités qu’ils souhaitaient exercer dans ces locaux.
Le bail précaire vient déroger aux règles du bail commercial classique et permet de contourner leur rigidité. Un avantage non négligeable pour les sociétés et les professionnels. De ce fait, il n’est pas adapté pour s’inscrire dans la durée. Il s’agit davantage d’une solution temporaire, qui peut parfois être prise dans l’urgence.
Régime du bail dérogatoire : Comment le mettre en place ?
Conclure un bail de courte durée suppose de respecter plusieurs conditions ainsi que certaines règles procédurales.
Conformément aux articles L.145-4 et suivants du Code de commerce, le bail dérogatoire doit être matérialisé par un écrit au sein duquel les parties expriment de façon claire et non équivoque leur volonté d’écarter le statut du bail commercial. De plus, la durée d’un bail précaire ne saurait excéder trois ans, celui-ci étant conclu pour une courte durée ou pour répondre à une situation d’urgence.
Dans le cas où l’une de ces conditions ne serait pas réunie, le bail dérogatoire pourrait être requalifié en bail précaire. Un risque qu’il est préférable d’éviter pour les professionnels.
Bon à savoir : L’entrée du preneur dans le local de l’immeuble marque le point de départ du bail dérogatoire.
Au sujet des règles procédurales applicables au bail dérogatoire, il est indispensable de procéder à un état des lieux lors de la conclusion du bail. Celui-ci doit être établi dès lors que le preneur prend possession du local. Pour ce faire, les parties peuvent s’arranger à l’amiable ou faire appel à un mandataire, par exemple un agent immobilier. L’état des lieux devra nécessairement être joint au contrat de bail.
Dans l’hypothèse où les parties ne s’entendent pas sur certains points ou que l’état des lieux n’est pas réalisé, celles-ci peuvent faire appel à un commissaire de justice. Elles auront alors la charge de partager les frais engendrés pour que l’officier d’état civil effectue l’état des lieux. Ces règles sont rappelées aux articles L.145-5 alinéas 5 et 6 et suivants du Code de commerce. Lorsque le bail arrivera à sa fin, un nouvel état des lieux devra être dressé par les parties.
Que se passe-t-il lorsque survient l’expiration du bail dérogatoire ?
Lorsque le bail dérogatoire expire, celui-ci est supposé prendre fin de façon automatique. En effet, la date d’expiration du bail prévue par les parties est censée marquer la fin de leurs relations contractuelles.
À noter qu’il n’est pas possible de donner un congé anticipé dans le cadre d’un bail dérogatoire. Cette règle s’applique autant au loueur qu’au locataire. Les parties seront donc contraintes d’attendre la fin de la période de location pour rompre leur relation. De plus, le locataire est tenu de payer ses loyers jusqu’à la fin du contrat de bail et cela, même s’il choisit de quitter les locaux avant l’expiration du bail.
Une fois que l’expiration du bail dérogatoire survient, le locataire est tenu de libérer les locaux et de rendre les clés au propriétaire. Il ne bénéficie en aucun cas du droit au renouvellement du bail ou encore du versement d’une indemnité d’éviction si le bailleur refuse de renouveler le bail. En effet, ces règles sont propres au statut protecteur des baux commerciaux et ne trouvent alors pas à s’appliquer pour ce contrat de bail.
Il arrive parfois que le locataire refuse de quitter les locaux loués une fois l’expiration du bail. Si le propriétaire ne s’y oppose pas, le bail dérogatoire est automatiquement reconduit en bail commercial. En revanche, si le bailleur désire que le locataire quitte les locaux loués, il devra lui signifier sa volonté après la date de fin de location fixée dans le bail. Pour ce faire, celui-ci pourra lui faire parvenir une lettre recommandée avec accusé de réception ou lui signifier de prendre congé par acte de commissaire de justice. Le propriétaire dispose d’un délai d’un mois pour s’exécuter, faute de quoi le bail dérogatoire sera poursuivi et requalifié en bail commercial.
Bail de courte durée : Que se passe-t-il en cas de maintien du locataire dans les locaux ?
La transformation du bail dérogatoire en bail commercial
Comme évoqué précédemment, dès lors que le locataire se maintient dans les locaux à l’expiration du bail, un nouveau bail démarre automatiquement. Celui-ci sera soumis au statut des baux commerciaux conformément aux règles prévues à l’article L.145-5 du Code de commerce. Une règle qui peut vite devenir contraignante pour un loueur qui ne souhaite pas poursuivre les relations contractuelles avec son locataire.
Le bailleur reste toutefois libre de s’opposer au maintien du preneur dans le local. Il ne subira alors aucune compensation financière pour son opposition. De plus, les parties restent libres de fixer les conditions et clauses de ce nouveau bail. Elles disposent donc d’une certaine marge de manœuvre sur les conditions financières et juridiques, dans le respect des dispositions d’ordre public qui régissent ce statut. Toutefois, la clause fixant le loyer du bail commercial devra être clairement définie, faute de quoi, celle-ci sera fixée selon la valeur locative du bien.
Il est judicieux de préciser que des clauses conclues antérieurement peuvent être incompatibles avec le statut du bail commercial. En définition, celles-ci seraient réputées non-écrites, et dans le cas contraire, ces clauses pourraient être maintenues.
Le renouvellement du bail dérogatoire
En pratique, il arrive que le contrat de bail contienne une clause de tacite reconduction. Dès lors, le maintien dans les locaux du locataire une fois l’expiration du contrat entraîne le renouvellement du bail dérogatoire. La procédure de renouvellement du bail dérogatoire se réalise selon les conditions prévues dans le contrat de bail en cours. C’est ce qui a été récemment jugé lors d’une affaire de 2022 (Cass. 3ème Civ, 11 mai 2022).
Pour autant, il arrive parfois que les termes préalablement négociés ne prévoient rien quant aux modalités de renouvellement du bail. Dès lors, le preneur doit agir dans les six mois qui précèdent l’expiration du bail pour adresser au propriétaire une demande de renouvellement.
Cette requête doit être transmise au bailleur par lettre recommandée sous format papier ou électronique ou encore par acte extrajudiciaire. Elle devra comporter certaines mentions obligatoires pour être valable juridiquement et ne pas être frappée de nullité.
Dès lors que le bailleur accusera réception de la demande de renouvellement, celui-ci disposera d’un délai de trois mois pour y répondre favorablement ou pour s’y opposer. Il devra adresser sa réponse au locataire par lettre recommandée avec accusé de réception, sous format électronique (LRE) ou en version papier (LRAR). Dans l’hypothèse où le loueur ne répondrait pas au locataire, son silence vaudra acceptation. Le preneur pourra alors estimer que sa demande de renouvellement est acceptée. Pour les propriétaires, il est donc particulièrement important de rester vigilants sur ce point et d’agir en temps voulu pour faire part de leur décision.
Ainsi, lorsque survient la fin du bail, aucun formalisme particulier n’est imposé. Le bail dérogatoire ne suppose pas l’écoulement d’un délai de préavis ou la nécessité de donner congé. Effectivement, le bail cessera de plein droit et le locataire devra quitter les lieux dans un délai d’un mois une fois que sera survenue l’expiration de la convention qui lie les parties.
Bon à savoir : Le bail dérogatoire offre la possibilité aux parties de cumuler les durées de location. Il devient ainsi possible de signer successivement plusieurs contrats de location, par exemple trois contrats d’une durée respective d’un an. Le preneur devra néanmoins manifester sa volonté de renouveler le bail précaire avant son terme pour que celui-ci soit reconduit à titre dérogatoire. Dans le cas contraire, le bail de courte durée sera requalifié en bail commercial.
Que retenir avant de conclure un bail dérogatoire ?
Vous l’aurez compris, le statut particulier du bail dérogatoire implique aux parties d’agir avec prudence et réflexion. En effet, celui-ci peut être renouvelé sur demande du locataire ou être reconduit en bail commercial de façon automatique dans le cas où ce dernier se maintiendrait dans les locaux.
De plus, la volonté des parties d’écarter le statut du bail commercial doit être manifestée de façon claire et non-équivoque. Il est ainsi fortement recommandé de matérialiser cet accord au sein d’un écrit juridique.
Dans ces conditions, il est indispensable de s’entourer d’un avocat pour bénéficier de conseils professionnels et d’une aide juridique dans la rédaction de la convention de bail. Ceci permettra aux parties de fixer les contours de leur accord, mais également de se prémunir contre les risques et contentieux futurs qui seraient susceptibles de survenir.