En matière de procédure, un trouble manifestement illicite est marqué par la violation manifeste d’une règle de droit, permettant d’ordonner des mesures conservatoires ou la cessation du désordre, notamment par la remise en l’état initial.
La condamnation in solidum quant à elle est une invention prétorienne destinée à rendre responsable d’un même préjudice plusieurs personnes, en les obligeant en une réparation solidaire de ce dernier.
Ces deux mécanismes ont récemment fait conjointement l’objet d’une décision de la Cour de cassation en matière de contentieux d’urbanisme.
En l’espèce, le nue propriétaire (une SCI), d’une parcelle confiée à un usufruitier (un particulier) demande à une entreprise de BTP de réaliser des travaux d’exhaussement. Ces travaux sont jugés comme étant irrégulièrement exécutés, sur le fondement de la violation de plusieurs règles d’urbanisme, notamment du plan local d’urbanisme de la commune sur laquelle est située la parcelle, laquelle assigne en référé le nue propriétaire, l’usufruitier et l’entreprise qui réalise les travaux, pour qu’il y ai suspension de ces derniers, et remise en état de la parcelle.
La juridiction de première instance fait droit à la demande de la ville, position confirmée par la Cour d’appel.
Saisie des griefs, la troisième chambre civile confirme la position des deux précédentes juridictions, et condamne les trois demandeurs en la cessation du trouble et en la réparation in solidum du préjudice causé à la commune.
Pour dégager une telle solution, la Cour de cassation se penche sur la responsabilité de chaque intervenant dans l’exercice du trouble manifestement illicite, qu’il soit directement ou indirectement lié à la réalisation des travaux.
Pour la société de BTP il apparait comme une évidence que sa responsabilité est engagée du fait qu’elle soit directement l’auteur des travaux et donc du trouble.
Pour le nue propriétaire, les juges retiennent que les travaux lui sont imputables puisque en toute connaissance de cause de l’incompatibilité de ces derniers avec le classement de la parcelle, violant ainsi les dispositions d’urbanisme de la commune, il en a toutefois ordonné la réalisation.
Enfin, concernant l’usufruitier, la détermination de sa responsabilité peut être surprenante, pourtant la Cour retient qu’en sa qualité d’usufruitier de la parcelle, il en perçoit les revenus et donc le bénéfice des travaux réalisés dessus, en conséquence de quoi l’imputabilité du trouble lui est reconnue en même temps que l’obligation de remise en état du terrain.
Par cette décision, la Haute juridiction ne cantonne pas la détermination de la responsabilité aux simples auteurs du trouble, mais va jusqu’à rechercher celle du bailleur administrateur de la demande de réalisation de l’ouvrage, ainsi que celle de l’usufruitier, percepteur direct des bénéfices issues de la réalisation des travaux illicites.
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Référence de l’arrêt : Cour de cassation 3ème civ. 4 mai 2019 n°18-11.207