L’article 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme pose le principe de non-discrimination, notamment lorsque celle-ci est faite en considération de la naissance. C’est en partie sur ce postulat que la Cour européenne des droits de l’Homme au travers de l’arrêt Mazurek contre France en 2000, a incité le pays à supprimer les différences de traitement faites jusqu’alors en matière de filiation adultérine. Décision ayant eu comme conséquence immédiate la modification des règles successorales par l’adoption d’une loi, le 3 décembre 2001, relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral.
En ce début d’année 2019, la Haute Juridiction a dû rappeler l’application de ces dispositions, notamment concernant les règles transitoires de ce texte.
En l’espèce, la veuve d’un peintre sculpteur décédé en 1967 sans héritier connu, décède à son tour en 1981 et, en tant que donataire de la propriété et de l’universalité du patrimoine de l’artiste, elle avait qualifié la commune de Paris comme légataire universelle.
Or, en 1983, un jugement vient reconnaître la filiation adultérine entre le peintre décédé et un homme, lequel assigne la ville et demande la reconnaissance d’une fraude successorale du fait de la dissimulation de son existence, et de ce fait de considérer comme corrompus les actes émis par l’épouse, notamment la désignation de la ville de Paris à titre de légataire.
L’enfant fonde ses demandes sur la Loi du 3 décembre 2001 reconnaissant les droits des enfants adultérins.
Pourtant, la Cour d’appel de Paris le déboute au motif que les prétentions légales sur lesquelles il s’appuie, ne s’appliquent qu’aux successions postérieures à la loi du 3 décembre.
Saisie des griefs, la première chambre civile confirme la position des juges du fond en précisant que les nouveaux droits successoraux reconnus aux enfants adultérins par la loi du 3 décembre 2001, ne s’entendent que pour les successions ouvertes à la date de la publication officielle de cette loi, et si elles n’ont pas donné lieu à partage avant le 4 décembre 2001.
En l’occurrence, la succession de l’artiste a été ouverte en 1967, soit près de 30 ans avant l’entrée en vigueur du texte abolissant l’infériorité successorale de l’enfant adultérin, et a par ailleurs été liquidée avant le 4 décembre 2001, sa veuve étant donc à l’ouverture, l’unique héritière. Le règlement de la succession s’est donc fait de manière non équivoque, puisque le fils n’a pu à ce moment-là se voir reconnaître des droits dans l’héritage, la prise de possession complète et effective par la veuve est donc reconnue.
Par cette décision, la Cour de cassation rappelle le principe de sécurité juridique en refusant une application rétroactive de la loi de 2001 au bénéfice de règles transitoires. L’exclusion de l’enfant adultérin au profit de dispositions plus favorables ne portant pas atteinte aux droits garantis par la Convention européenne des droits de l’Homme, ni de ses libertés fondamentales.
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Référence de l’arrêt : Cour de cassation 1ère civ. 30 janvier 2019 n°18-10.164