Qu’est-ce qu’un référé ?
Le référé est une procédure rapide justifiée soit par l’urgence soit par l’absence de contestation sérieuse à la demande formée par le demandeur. La décision du juge est prise sous forme d’ordonnance, on parle d’ordonnance de référé. Cette décision repose sur trois caractéristiques essentielles :
- Les mesures accordées par le juge ne sont pas définitives, elles sont provisoires.
- Les mesures accordées par le juge sont à exécution immédiate, ces mesures ne seront donc pas suspendues si la partie adverse fait appel de la décision.
- Les mesures accordées par le juge sont rendues après un débat contradictoire. Cela implique que toutes les parties sont présentes et entendues lors de l’audience afin d’instaurer un débat entre elles.
Il existe plusieurs fondements au référé, que l’on retrouve à plusieurs articles du code de procédure civile (CPC), selon le type de mesures pouvant être ordonnées. En l’espèce, l’article qui retient notre attention est l’article 145. Il ressort de cet article que la demande de référé est faite avant même qu’un procès existe et surtout, sans certitude qu’un litige futur existera. En cas de litige futur, l’action préventive aura permis la conservation de preuves pouvant servir au titre d’une action au fond. Pour être recevable, le demandeur doit seulement justifier d’un intérêt légitime.
C’est sur ces dispositions que se fonde le référé préventif, qui constitue un type de référé utilisé dans le domaine de la construction.
Qu’est-ce qu’un référé préventif ?
En droit de la construction, le référé préventif a pour objet la désignation d’un expert judiciaire dont la mission consiste à relever l’état actuel des immeubles voisins d’une opération immobilière ou de travaux de construction avant tout commencement de ceux-ci.
Ces constats réalisés de manière contradictoire permettent d’apporter la preuve que certaines dégradations ou désordres existaient avant les travaux et qu’ils ne sont pas causés par les opérations de construction ou de démolition du futur projet.
Ce type de mesure s’avère très en cas de contentieux futur lié découlant de l’opération immobilière.
Le référé préventif est le plus souvent engagé par le maître d’ouvrage (promoteur, constructeur), et à ses frais exclusifs.L’intérêt du référé préventif
La procédure de référé préventif n’est pas obligatoire. Néanmoins, recourir à cette expertise reste vivement conseillé puisqu’elle présente une double utilité : pour le maître d’ouvrage, d’une part, pour les riverains, d’autre part.
Intérêt pour le maître d’ouvrage
Le promoteur vendeur, agissant en qualité de maître d’ouvrage de l’opération immobilière peut être tenté de ne pas recourir à l’expertise. En effet, le coût de la procédure et de l’expertise demeure à sa charge exclusive. Il ne s’agit toutefois pas d’une dépense superflue.
La mesure de référé préventif revêt une importance toute particulière pour le maître d’ouvrage. Tout repose sur la qualité préventive de la procédure. Cette mesure permet d’anticiper et ainsi d’éviter un futur litige avec les propriétaires voisins ou le constructeur qui pourraient lui imputer des désordres et des nuisances qui n’ont pas été générées par le chantier. Sans cette phase préalable, le maître d’ouvrage court le risque de voir sa responsabilité engagée pour des dégradations préexistantes. Le rapport rendu par l’expert sur l’état des immeubles avoisinants permet ainsi d’écarter la responsabilité du maître d’ouvrage pour les désordres antérieurs aux travaux.
Bien entendu, il est également possible de recourir à un constat de commissaire de justice (anciennement constat d’huissier de justice). Moins coûteux, certes, mais moins efficace. Le constat de commissaire de justice n’a pas, contrairement au référé préventif, de valeur contradictoire. De plus, il s’agit d’un procédé effectué à l’instant T des lieux avoisinants les opérations de construction. La mission de l’expert peut, à l’inverse, se dérouler avant mais aussi au cours du chantier. Il peut en effet lui être demandé de suivre l’évolution de l’état des avoisinants jusqu’à l’achèvement des travaux. Le maître d’ouvrage, particulièrement le promoteur, a donc tout à gagner en faisant appel à une expertise judiciaire, tout comme les propriétaires voisins.
Intérêt pour les riverains
L’expertise présente également un avantage pour les propriétaires des immeubles voisins, tout simplement car il s’agit de leurs propres biens. Mieux informés et mieux prémunis, les riverains pourront éviter de s’engager dans une procédure longue et coûteuse qui n’est pas nécessaire.
En se penchant à la fois sur le maître d’ouvrage et sur les riverains, il ressort qu’une telle procédure suscite un avantage commun : éviter un litige ultérieur. Le coût financier qu’un litige post construction génèrerait serait bien supérieur à celui qui doit être engagé pour l’action en référé ! En milieu urbain surtout, les constructions y étant de plus en plus rapprochées, où le risque de générer des nuisances est élevé.
La procédure du référé préventif
Première étape : l’introduction de l’action
Nous l’avons vu, le demandeur est généralement le maître d’ouvrage, mais il peut également s’agir des propriétaires voisins du chantier. L’action doit être introduite devant le Président du Tribunal Judiciaire. Le choix du Tribunal Judiciaire compétent est imposé par la situation géographique, le lieu de la réalisation des travaux sera donc retenu.
Deuxième étape : l’assignation des parties
Les parties que le demandeur doit assigner sont les suivantes :
- Les propriétaires riverains, qu’ils soient individuels ou qu’il s’agisse de syndicats de copropriétaires
Il peut également choisir d’inclure dans le référé :
- L’architecte
- Les bureaux d’études notamment celui qui réalise l’étude de sol
- Le contrôleur technique
- Les entreprises d’exécution des travaux qui interviennent sur l’opération immobilière
- Les services de voiries de la commune
- Les concessionnaires de réseaux
- L’assureur dommages-ouvrages du demandeur
- Les assureurs des constructeurs qui interviennent sur l’opération immobilière
L’utilité pour le demandeur d’assigner toutes ces parties est l’opposabilité de l’expertise. La notion juridique d’opposabilité signifie que l’acte opposable produit des effets à l’égard des tiers. Les parties ayant fait l’objet d’une assignation ne pourront ignorer l’existence de l’expertise, devront respecter son existence et en subir les effets.
Depuis la réforme de la procédure civile entrée en vigueur au 1er janvier 2020, le maître d’ouvrage à l’origine de l’action doit obligatoirement être représenté par son avocat. À ce titre, le cabinet Verbateam Avocats intervient au côté des acteurs de l’immobilier et de la construction tant en contentieux qu’en conseil.
Troisième étape : l’expertise
Le juge des référés désigne dans son ordonnance l’expert judiciaire sur la liste des experts du tribunal, ce qui garantit son indépendance et son impartialité. Également, l’expert présente l’avantage d’avoir une forte compétence technique qu’il pourra mettre à profit tout au long de sa mission. Le descriptif de la mission est détaillé au sein de l’ordonnance. Il pourra s’agir, à titre d’exemple, de lister et photographier les désordres existants, ou d’indiquer pour les entreprises en charge de la construction les mesures à prendre afin d’éviter des dégradations futures.
Différentes réunions sur place convoquant toutes les parties sont régulièrement organisées. Le nombre de réunions varie en fonction du nombre de constatations nécessaires que l’expert doit effectuer pour mener à bien sa mission.
Quand il estime avoir fait toutes les constatations nécessaires, l’expert rend d’abord un pré-rapport. Chaque partie peut alors lui communiquer des observations sous forme de « dires ». Les parties peuvent ainsi, par écrit, communiquer à l’expert leurs propres observations réalisées au cours de l’expertise. Tout comme le constat en lui-même, les dires sont contradictoires, puisqu’ils résultent d’un échange entre l’expert et toutes les parties. Une fois tous les dires annexés, l’expert peut rendre son rapport définitif. Les dégradations préexistantes aux travaux sont désormais opposables à toutes les parties et ne pourront donc engager la responsabilité du maître d’ouvrage.
Un accompagnement adapté avec Verbateam Avocats
Le droit immobilier et le droit de la construction sont des matières particulièrement techniques, en constante évolution. Le besoin de faire appel à un avocat spécialisé peut se manifester à tout moment : conseil, conclusion de contrats, assistance et représentation en cas de contentieux. Que vous soyez professionnel ou particulier, le cabinet Verbateam Avocats, spécialisé en droit immobilier, intervient pour vous apporter son expertise juridique à toutes les phases de votre problématique.
- 1 Article 145 du CPC : « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».
- 2 Article 44 du CPC « en matière réelle immobilière, la juridiction du lieu où est situé l’immeuble est seule compétente ».
- 3 Article 760, alinéa 1 du CPC : « Les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire ».
Image à la une © Mitchell Luo